Presqu'île de Crozon : la mer, la terre, le grand air

J'étais très curieux à l'école lorsque, sur une carte, apparaissait le Finistère. Une terre de mystères, en forme de sacrée gueule ! Je me faisais des films. L’œil se situait du côté de Morlaix, l'oreille se trimballait autour de Carhaix, le menton courait sur la côte de Douarnenez à Concarneau, quelques cheveux volaient aux vents de Roscoff et Saint-Pol-de-Léon, la bouche s'étirait de Plougonvelin à Plogoff... Et quelle langue, représentée par la presqu'île de Crozon, joli brin de terre embrassé par la mer. Plusieurs fois, plus tard, je suis allé chatouiller de près, de mes pieds, la grande langue. Elle est constituée de sept communes : Argol, Camaret-sur-Mer, Crozon, Landévennec, Lanvéoc, Roscanvel et Telgruc-sur-Mer. À l'est, en limite de la presqu'île, le village de Trégarvan, sur l'Aulne maritime. Ici, vous trouvez aussi l'Hôtel Club Ker Beuz. Le fleuve côtier de l'Aulne est intéressant à suivre. On peut le découvrir à pied, en empruntant le célèbre GR 34 (qui suit une partie des rives de l'Aulne). On peut aussi le voir par bateau. La compagnie maritime de la rade de Brest propose par exemple « trois heures de découvertes intenses, entre méandres, langue de sable étonnante, abbaye à flanc de rivière et même un incroyable cimetière de bateaux ». L'Aulne prend sa source à Lohuec, là où démarre le Parc Naturel Régional d'Armorique, puis il se jette dans la rade de Brest, non loin de Camaret où finit le PNR. Presqu'île de Crozon et PNR d'Armorique forment un ensemble absolument remarquable, une sublime alliance de la terre et de la mer, célébrée par une ambiance aérienne. On dit que le Finistère est là où finit la terre. C'est aussi là que tout commence ou recommence... Le Finistère est une bouffée d'air, une certaine idée de la liberté.

À Camaret, gardienne du littoral armoricain, l'alignement magnifique du cimetière marin, de la chapelle N.-D. de Rocamadour et de la Tour Vauban.

En vacances sur la presqu'île de Crozon, prenez le temps pour allié. On découvre ce lieu avec délicatesse, dans la durée. Vous pouvez commencer le programme des visites par les pointes, les bouts de la langue, tout au bout du bout ! La fin de la presqu'île forme une croix et les pointes vous offrent de géniaux panoramas. À l'ouest, les pointes de Camaret, dont la plus connue est la pointe de Pen-Hir. Au sud, le cap de la Chèvre, avec vue sur la baie de Douarnenez. Au nord, la pointe des Espagnols, à Roscanvel. Celle-ci révèle un épisode de la grande histoire, parfois insoupçonnée, de la Bretagne. Au XVIe siècle (pendant les guerres de religion), le roi d'Espagne veut s'emparer de Brest. Mais pour prendre Brest, il faut maîtriser la pointe de Roscanvel, fermant la rade de Brest. Les Espagnols érigent alors un fort que les Français auront bien de la peine à reprendre. Au-delà des paysages merveilleux que nous offrent la presqu'île de Crozon, le lieu est en effet réputé stratégique. C'est la raison pour laquelle Vauban fait édifier au XVIIe siècle la Tour carrée à Camaret (toujours debout, en très bel état, d'une belle couleur rosée et visitable). Elle est, avec la baie du Mont Saint-Michel, l'un des deux seuls sites bretons classés au Patrimoine mondial de l'UNESCO. Elle est unique aussi par ce fait : à Camaret, c'est la seule fois que Vauban s'est rendu pendant une bataille sur un de ses sites. Il s'agissait de la bataille de Trez-Rouz, en 1694, entre Français et Anglais... qui valut d'ailleurs à Camaret le titre de « gardienne du littoral armoricain ». Pour les amateurs de belles vues et cartes postales en vrai, installez-vous sur le quai du Styvel. Sous vos yeux, en alignement, trois patrimoines exceptionnels et émouvants : le cimetière de bateaux, la chapelle Notre-Dame de Rocamadour et la Tour Vauban, posés sur la mer, reliés à la ville par « le sillon » (qui se pratique essentiellement à pied et à vélo). Ne manquez pas non plus le quartier des artistes et ses petites rues colorées et charmantes bordant le port.

La drôle d'histoire de la chanson « les filles de Camaret » et les nouveaux habitants du magasin à poudre de Crozon

À Camaret, rien ne vous empêche d'aller chercher des explications sur ce qui a (en partie) fait la réputation de cette cité bretonne : la fameuse chanson « les filles de Camaret » ou « le curé de Camaret », rangée parmi les plus célèbres rengaines paillardes de France. Des historiens se sont penchés sur la question... qui remplit encore les salles quand une conférence est donnée sur le sujet. Cette chanson populaire est le fruit d'une vengeance. Un jour du début du XXe siècle, un écrivain et journaliste parisien s'entiche de la presqu'île. Il vient ensuite y passer régulièrement des séjours, avec sa très jeune compagne et son ami peintre. Le bonhomme est turbulent et provocateur. Le 15 août 1903, depuis la fenêtre de l'hôtel de France, il jette son pot de chambre au passage de la procession. Il sera finalement chassé de la ville et se vengera en écrivant cette chanson qui évoque, en les romançant, les mœurs et comportements des habitants et notamment du curé. La haine jamais bonne conseillère, il critique également la Tour Vauban et la décrit comme « un cube de pierre assez hideux ». Dans toute la France (cela pourrait faire l'objet d'une belle étude), on trouve des exemples de monuments aujourd'hui classés et salués pour leur beauté, jadis critiqués, parfois violemment, par des intellectuels et des artistes... à commencer par la Tour Eiffel, « odieuse colonne de tôle boulonnée », disaient Zola et Maupassant. Mais passons, revenons à cette splendide presqu'île de Crozon...

Au-delà de la Tour Vauban de Camaret et de la pointe des Espagnols, l'ensemble de ce bout breton est parsemé de fortifications, d'où l'existence d'une Route des fortifications : une quinzaine de batteries et forts, bâtis du XVIIe au XXe siècle, à Roscanvel, Camaret, Lanvéoc ou Crozon (sans compter les sites qui ne sont pas accessibles au public, parce que dangereux). À Crozon, par exemple, visitez la batterie et le fort du Kador, qui domine le port de Morgat et la baie de Douarnenez. « Vous remarquerez notamment des grilles qui empêchent l'accès au magasin à poudre. Les barreaux horizontaux permettent aux habitants des lieux, les incroyables Grands Rhinolophes, espèce de chauve-souris protégée, de rentrer et sortir en volant sans être gênés », précise le site crozon-bretagne.com

Adeptes du VTT, vous allez vous régaler ! Partez à la découverte de paysages méconnus sur 200 km de sentiers

On n'oublie pas qu'on est à la mer ! Crozon est un paradis pour tous les amoureux d'océan et de plage. Mais les adeptes du VTT sont également aux petits oignons, ainsi que nous l'indiquent les responsables du tourisme breton : « Le sentier littoral GR34 étant interdit aux vélos, les circuits de VTT de la presqu'île de Crozon ont la particularité de cheminer au beau milieu des terres. Les VTTistes ont donc la chance de découvrir des paysages parfois méconnus, où se mêlent champs de bruyère, alignement de menhirs, bois, garennes, forêts ou églises. Représentant au total 200 km de balade, les 11 circuits de la presqu'île (de 15 à 30 km de longueur) sont de niveaux variés. Seul pré-requis : avoir l'habitude de faire du VTT et bien maîtriser sa monture ».

Des races régionales sauvegardées au Faou : mouton d'Ouessant, poule coucou de Rennes, cheval de trait breton, vache armoricaine

En presqu'île de Crozon, les idées de sortie sont légion. Il est impossible de dresser une liste exhaustive. Voici quelques derniers lieux que je vous recommande sur la presqu'île et autour, testés pour vous. À Telgruc-sur-Mer : la cidrerie de Rozavern. Jennifer et Nicolas proposent une gamme de produits issus de la pomme et élaborés dans le respect des savoir-faire traditionnels : cidres, jus de pomme, pommeau de Bretagne, lambig de Bretagne (impeccable pour la séquence du trou breton !), confits de cidre et vinaigres. À Argol : l'église Saints-Pierre-et-Paul et son enclos paroissial, dont l'entrée est un arc de triomphe classé aux Monuments historiques depuis 1914. À Trégarvan, le très beau et riche Musée de l'école rurale en Bretagne. Dans ce village, vous verrez comme il est étonnant de passer en quelques secondes d'une ambiance campagnarde et paysanne à une ambiance maritime et côtière. L'Aulne qui coule ici est un acteur majeur de ce phénomène de paysages mêlés. Plus loin vers l'est, je vous conseille aussi Le Faou. Ce très beau village est classé Petite cité de caractère et abrite « la plus importante densité de maisons à pans de bois du Finistère, dont 23 protégées et une classée ». Le Faou exprime très bien ce mélange terre-mer de la région de Crozon. Le port du Faou a été longtemps actif et puissant sur le commerce de bois, assurant le lien entre les bois des forêts voisines et la rade de Brest (le village et sa rivière du Faou donnent sur la rade et l'Aulne maritime). À voir également, les deux églises Saint-Sauveur et Notre-Dame de Rumengol. Et puis au Faou, c'est ici que siège le Parc Naturel Régional d'Armorique, Park an Arvorig. Pas loin du Faou, se situe aussi l'une des Maisons du Parc, au Domaine de Menez Meur. Vous y passerez une journée formidable et instructive en famille, à la rencontre d'une nature sensible et d'une faune sauvage mais aussi domestique et régionale : sont élevés ici des porcs blancs de l'ouest, des chevaux de trait bretons, des vaches Froment du Léon, des moutons d'Ouessant, des chèvres des fossés, des poules coucou de Rennes... Plus qu'une visite, plus qu'une journée de découverte, vous faites un geste de soutien à un grand projet de sauvegarde des races de ce terroir. Ainsi, vous devenez un peu, beaucoup, passionnément... Breton !

Crédits photos : Thibault Poriel (Office de tourisme Presqu'île de Crozon) / Michael Rapp (Wikimédia Commons) / G. Mannaerts (Wikimedia Commons) / VH (Cap France) / Musée de l'École Rurale en Bretagne / Emmanuel Berthier (CRTB)