La Semeuse, dans les Alpes-Maritimes : faire d'une pierre deux coups

La pierre serait cette belle option : partir dans le village vacances de la Semeuse, entre la mer et la haute montagne, à 950 mètres d'altitude, à 5 km à vol d'oiseau de l'Italie, 50 de Nice et 60 de Menton. Vous êtes à Roquebillière-Berthemont-les-Bains, ainsi nommé parce qu'on y trouve l'une des seules cures thermales de la région PACA – Provence-Alpes-Côte d'Azur –, située en face du village vacances, excellente pour les porteurs de bronches fragiles et rhumatismes. Premier coup, premier objectif atteint : vous voici dans l'une des plus belles vallées de PACA, la vallée de la Vésubie, rivière fidèle aux Alpes-Maritimes, naissant dans le massif du Mercantour et se jetant à cours perdu, 45 km plus bas, dans le fleuve Var. Cette rivière Vésubie symbolise le flirt entre les Alpes et la Méditerranée. Le soleil de PACA est réputé pour chauffer la mer, garnir les terrasses tard le soir, raccourcir jupes et pantacourts et hâler les teints. Mais il est d'abord, dans l'arrière-pays niçois, un vieux complice de la montagne. Vous le percevrez vite à la Semeuse, généreuse, offrant à ses hôtes une impressionnante ribambelle de randonnées. Second coup : vous voilà solidaire d'une région meurtrie, subissant le 2 octobre dernier « une bombe climatique » : la tempête Alex. On a tous encore en mémoire ces images des chaînes d'info en continu, branchées 24/24 sur la Vésubie déchaînée. C'était en octobre dernier, une rivière en colère broyait et emmenait tout sur son passage, élargissant son lit de 15 à 200 mètres, parfois plus !

La vallée se relève doucement, nous confie Michel Roques, directeur du village vacances de la Semeuse, qui fut lui-même blessé pendant la tempête : « On se relève grâce à la solidarité, une grosse solidarité naturelle, comme souvent dans les zones de montagne ». Celle-ci se voit à l'œil nu : la route menant à Nice est maintenant rouverte, « les pouvoirs publics ont vraiment mis les moyens et créé une impulsion », des centaines de pelles et bulldozers s'activent, tout comme le chanteur et comédien Julien Doré, dont les grands-parents sont originaires de Saint-Martin-Vésubie, organisateur d'une grande tombola pour les sinistrés. Tout le monde met la main à la pâte. La Semeuse fermée a rouvert très vite, dès fin octobre, « spécialement pour accueillir des pompiers et des gendarmes venus en renfort de toute la France » et, toujours sur un mode de système D bien ficelé, le village vacances hébergera cet été le centre aéré de la commune, complètement détruit : « On va accueillir une quarantaine d'enfants, et ce centre aéré fera aussi office de club enfants (3/12 ans) pour nos vacanciers. On joint ainsi l'utile et l'agréable, les enfants des vacanciers seront avec les enfants d'ici, c'est cela aussi la mixité », explique Michel Roques. Si certains secteurs présentent encore « un paysage de guerre », la vallée conserve un charme très haut de gamme et demeure une formidable destination pour les randonneurs. À la Semeuse, des travaux de grande ampleur viennent de démarrer sur le premier bâtiment mais le second est prêt à accueillir les vacanciers (capacité de 76 lits au lieu des 154 habituels) à compter du 2 mai, pour des vacances normales où la rencontre avec une nature authentique reste l'activité prioritaire.

Une vallée aux paysages impressionnants, s'ouvrant par les splendides Gorges de la Vésubie... en attendant la Vallée des merveilles et le Parc National du Mercantour

À Nice, vous montez en voiture (Simone) vers Plan-du-Var et là, comme sur une patte d'oie, vous avez le choix entre trois belles vallées (Var, Tinée et Vésubie). Bien que tous les chemins mènent à Rome et Roquebillière, pour rejoindre le village vacances au plus vite, suivez la Vésubie. Vous entrez progressivement, par les splendides Gorges de la Vésubie, dans un paysage impressionnant. En quelques minutes seulement, vous passez d'une ambiance maritime à une ambiance montagnarde. Sur votre route, vous trouvez Lantosque, ses dix chapelles et ses loggias du XVIIIe siècle, La-Bollène-Vésubie et son ouvrage de la Ligne Maginot, ou Belvédère qui jouxte Roquebillière. C'est sur la place des Tilleuls, dans ce village de Belvédère, que Louis de Funès alias Maréchal des logis Cruchot, habite lors du premier film des Gendarmes, avant d'être muté à Saint-Tropez. En 1964, une journée de tournage a donc lieu ici pour allumer une saga cinéma devenue mythique. Autre légende, celle de Belle & Sébastien, dont la première saison est également mise en boîte à Belvédère, plus précisément dans la Gordolasque.

« Au programme des vacances à la Semeuse, nous proposons beaucoup de randonnées, et d'ailleurs certains ne viennent que pour ça, ou presque », indique Michel Roques, « En juillet et en août, nous suggérons quatre jours de randonnées dans la Vallée des merveilles, ainsi qu'une rando nocturne : ils partent en début d'après-midi et ils redescendent à la lumière des étoiles et de la lune. C'est une randonnée très prisée. Ils découvrent aussi la Vallée de la Gordolasque. Nous avons par ailleurs un animateur nature, découverte & patrimoine qui propose une balade pour les contemplatifs. Ils vont pouvoir prendre le temps de s'arrêter et d'admirer la faune et la flore de cette région. C'est intéressant pour les gens qui n'ont pas l'habitude de marcher ou marchent peu et c'est vraiment pour tous les âges. Ils pourront même éventuellement profiter de la visite du musée du lait, à Belvédère. En été, nous proposons des randos à la journée, ça va de 16 à 70 ans, et plus parfois. Nous recevons aussi des clubs et groupes, ce sont souvent des « jeuniors », de jeunes seniors, entre 50 et 70 ans. Je mets alors à leur disposition un guide ». La Vallée des merveilles, outre des paysages déroutants, livre à ses visiteurs une énigme : celle des gravures rupestres. « C'est un mystère. On ignore toujours pourquoi des hommes sont montés pour graver sur des roches. À ce jour, aucun scientifique, aucun universitaire n'a encore donné une réponse totalement fiable, ce ne sont que des probabilités »... Et rien ne vous interdit d'ajouter les vôtres ! Ici, notez que nous sommes sur l'une des entrées du Parc National du Mercantour, sans doute le plus sauvage de France, celui qui a vu le retour du loup dans notre pays il y a une trentaine d'années. Le site protégé, très vaste, d'une superficie de près de 700 km², joue magistralement l'éden, paradis des amoureux de la nature et protecteurs de la faune et de la flore sauvages.

Le centre thermal au pied des montagnes. « Ici, on vient essentiellement pour randonner, faire une cure thermale, se reposer... et pour nos valeurs et notre démarche associative ».

Ce sont donc principalement des hôtes randonneurs et marcheurs qui séjournent à la Semeuse, « ainsi que des curistes venant d'année en année, appréciant le caractère familial de l'établissement. Nos vacanciers ou curistes arrivent de PACA – essentiellement – et de l'Île de France, des Pays de la Loire et de Rhône-Alpes, surtout pour les clubs de randos » : « On vient ici beaucoup pour randonner et pour se reposer. Très peu de gens descendent jusqu'à Nice ou vont en Italie, pourtant voisine. Ils préfèrent rester dans le secteur, la montagne est proche, le centre thermal est à côté [conseil : vérifiez avant s'il est bien ouvert, compte tenu des conséquences de la tempête Alex]. Il est ouvert le matin, pour le côté thérapeutique, et l'après-midi, chacun peut profiter des spas, saunas, hammams, avec vue sur la vallée. En fait, on accueille tout le monde, de tous les âges, y compris des classes, des groupes sportifs.... Une partie de nos vacanciers est très sensible à nos valeurs, à notre démarche associative et au label Chouette Nature. Avant de venir, beaucoup de gens se renseignent sur qui nous sommes, ce que nous portons et cette tendance s'accentue. Nous avons reçu l'an dernier à la Semeuse un couple de médecins des Pays de la Loire. J'étais surpris car ils avaient fait beaucoup de route, dans un moment et un contexte pas faciles pour les personnels soignants, et ils m'ont répondu : On est venus pour vos valeurs ». L'histoire de la Semeuse dit aussi de son mode de vie. « Le village vacances est le pôle vacances d'une plus vaste organisation intégrant également un refuge en montagne, une colonie de vacances (dans la Gordolasque), un théâtre, des espaces de médiation scolaire, des centres culturels et centres aérés à Nice. À l’origine, le site de Roquebillière était un hôtel – la légende dit que la Reine Victoria y aurait séjourné – pour les curistes puis, à partir de 1910, une colonie de vacances pour les jeunes de la ville de Nice ». La destination, les activités, les objectifs ont évidemment changé mais l'esprit des débuts flâne toujours un peu. « Il y a chez nous, dans cette association, un bel état d'esprit », résume Michel Roques, directeur du village, issu du secteur de l'Économie Sociale et Solidaire et arrivé dans le réseau Cap France en janvier 2019. Il était auparavant directeur d'exploitation chez Vacances Léo-Lagrange, dans les milieux culturels et, sautant d'un univers à l'autre, dans la grande distribution... où il a rencontré sa femme (l'étape valait le coup !). Michel Roques est à la tête d'une petite équipe composée de quatre permanents et de douze saisonniers (personnels d'accueil, d'entretien, cuisiniers, serveurs, animateurs, etc.). « Pour les guides accompagnateurs de montagne, ce sont des prestataires avec lesquels nous avons l'habitude de travailler, on joue la carte sécurité ».

Piscine, tennis, pétanque, spéléo, grimpe ludique... et le grand barbecue du vendredi et le brunch du dimanche

Mais il n'y a pas que la rando et la cure thermale dans la vie. Le village vacances est doté d'une piscine, d'un terrain de pétanque, d'un autre de tennis. « Nos vacanciers peuvent aussi aller à la rencontre de producteurs, à 300 mètres du village vacances, il y a par exemple un producteur de tomme. C'est aussi un pays de ruches et de producteurs de miels ». En vacances à la Semeuse, vous pratiquez le vélo à assistance électrique (il y en a quatre sur le village vacances) ou goûtez aux activités dans un périmètre proche, dont la plus grande tyrolienne d'Europe. En préparant votre séjour, reportez-vous également sur le site de Vésubia Montagne Parc (ou Vesùbia Moutain Park) qui vous suggère une large gamme de sports et loisirs, de la spéléo à la grimpe ludique, de l'aquabike au canyoning... Cet espace, géré pour le compte du Syndicat Mixte pour le Développement de la Vallée de la Vésubie et du Valdeblore, est situé à Saint-Martin-Vésubie. Voilà en tout cas qui donne faim. Quel est le menu, Monsieur le directeur ? « Nous proposons une cuisine familiale, privilégiant les produits locaux et surtout de saison. Tous les vendredis, nous organisons un grand barbecue, et ça plaît beaucoup. Et tous les dimanches, c'est brunch. Cela permet aux gens de se lever quand ils veulent. On fait petit-déjeuner et déjeuner en même temps sous forme de brunch. C'est pratique pour ceux qui sont arrivés la veille, ils se posent et sont plus cool. À 11 heures, on organise notre pot d'accueil, permettant surtout aux vacanciers de faire connaissance entre eux ». Et que la belle atmosphère de la Semeuse ne vous empêche pas, si ça vous chante, de prendre (juste un peu) la route pour aller cueillir les couleurs et senteurs merveilleuses des marchés de Nice. Et piquer une tête dans la Grande Bleue. On va s'gêner !

Photos : La Semeuse, JPChevreau-Wiki, GCHP-Wiki, Parc National Mercantour, CRT PACA, Raynaud.M, Dragon.S, Vianney Huguenot